Histoire des Lamelune, par Ëiarhadelln Lamelune Farenwë

Voici le début d'une légende qui est contée de père en fils et de mère en fille dans ma Famille... Je ne sais si l'on peut compter sur sa véracité, mais je la trouve particulièrement instructive et belle.
Je vais donc tenter de la retranscrire ici de la manière la plus fidèle possible.


La lignée des Lamelune remonte à des temps immémoriaux pour les êtres éphémères autres que les nobles Elfes de la Grande Forêt. Mais nous, nous savons nous rappeler ; de par les récits de nos sages, les ballades de nos bardes, les contes de nos parents. L'histoire que je m'apprête à relater est celle d'une antique et respectable famille, parmi tant d'autres certes, mais dont l'existence a changé la vie de nombreux quendi.

A l'origine, alors que le Domaine était encore un hâvre de paix inviolable et inviolé, un jeune nêr avait en tête toutes sortes de rêves d'aventure et de dévotion envers son Peuple et sa Déesse, Shadaliel. Il appartenait à l'ancien clan Hautelame, basé dans la sublime ville de Camthalion, et son père faisait partie de la garde de sa ville, ce qui lui avait valu une éducation stricte et traditionnelle dès son plus jeune âge. Sa mère, morte en couches alors qu'elle mettait au monde deux jumeaux, qui décédèrent également, le laissa à la fois orphelin et fils unique, solitaire mais choyé.
Ainsi, l'enfant grandit, à l'abri dans sa cité, protégé dans sa Forêt. Il n'avait nulle expérience réelle de la dureté de la vie, mais passait chacun de ses jours à suivre l'exemple de son vénéré père, à qui il souhaitait succéder dans sa fonction de garde. Son respect envers la hiérarchie n'avait d'égal que son ambiton, et tout le temps il s'entraînait, il étudiait afin de parfaire sa maîtrise de l'art ; mais pas n'importe quel art : celui du combat, de l'ascension menant au pouvoir. Son père ne cessait de lui dire d'attendre d'être sage, expérimenté, mais lui était persuadé que son devoir était de s'engager pour son Peuple.
Ce qu'il fit, en intégrant l'Armée Elfique alors qu'il n'avait pas deux cents cycles.

Ainsi, le jeune nêr, nommé Tllessiel, illustre fondateur de la lignée des Lamelune, partit de chez lui, en quête d'un futur glorieux.


Pendant de nombreux cycles, il participa ainsi à des missions, escarmouches de toutes sortes au sein de l'Armée. Une solide réputation finit par l'entourer ; on parlait ainsi de lui comme d'un nêr farouchement efficace, doué au tir à l'arc et continuellement silencieux - tout à sa foi envers Shadaliel. Ce dernier choix faisait également courir les rumeurs : comment un archer pouvait délaisser la Sentinelle pour vénérer la Veilleuse ? Elduniel finirait certainement par remettre à sa place ce jeune inconscient qui utilisait si sublimement l'arc de la Déesse sans pour autant lui rendre de culte particulier.
Ces remarques, bien sûr, parvinrent un jour aux oreilles de Tllessiel. Sa colère teintée d'indignation le rendit distant avec ses camarades. On murmurait à son passage, et ce qu'il percevait traitait autant de ses prouesses que de ses mœurs.
C'est pourquoi, un jour qu'une quête fut mise en place et que des elfes furent appelés à aider le Maire d'Orodreth à purifier sa région et à la protéger pendant de grandes festivités de printemps, le jeune nêr se présenta le premier à cette expédition, et fut accepté du fait de sa grande expérience. Officiellement, c'était pour lui une simple formalité, une simple responsabilité qu'il endossait afin de s'améliorer. Mais il n'avait en vérité qu'une seule hâte : celle de découvrir Brumeciel, la ville de Shadaliel.

Ainsi le périple de Tllessiel continua...
J'aime tout particulièrement cette partie de la Légende car elle explique de façon imagée la naissance de notre famille et de notre nom - et notre attachement à la fois à Hautelame et à Brumeciel.


Par un doux soir de Joriamel, alors que la lumière cédait la place à l'ombre et que le Soleil s'enfonçait peu à peu à l'horizon dans les arbres verdoyants, Tllessiel, habile archer, arriva dans la ville d'Orodreth en compagnie de quelques compagnons qui avaient, tout comme lui, décidé de participer à la sécurisation des lieux.

Le jeune nêr arpenta ainsi la Forêt entourant Orodreth pendant des jours et des jours. Mais on dit qu'à un moment, il ne vint pas à bout d'un monstre particulièrement féroce qui terrifiait les voyageurs inexpérimentés, et il dut battre en retraite. Cela le blessa d'autant plus qu'il chassait sur le territoire de Brumeciel, et que Shadaliel y était très présente. Déçu, il partit vers Orodreth, ajournant son expédition et désirant prendre contact avec le culte de sa Déesse dans la ville-même.
Autrefois, alors que le Monde était encore vide de chaos et de corruption, alors que les Elfes étaient les seuls Maîtres en Ideo, cette petite cité de l'Ouest du Domaine n'était constituée que de quelques maisons de bois péniblement accrochées au faîte des arbres, et reliées entre elles par des passerelles craquantes et fragiles. Elle n'avait pas encore l'ampleur diplomatique et culturelle qu'on lui accorde aujourd'hui, et aucun étranger ne foulait son sol.

Tllessiel entra, le visage défait, dans cette ville aussi surprenante que mystique. On ne sait pas vraiment ce qu'il y fit, cela s'est perdu dans la mémoire des elfes, mais toujours est-il qu'il s'est rendu au Temple de l'Ombre Nocturne, et que Celle-ci lui a envoyé un message sacré par la voix de Son Prêtre. L'archer était reconnu par sa Déesse comme Son plus fervent adepte, et, dans Sa grande clémence, Elle lui offrit d'oeuvrer pour Son bien, et de prouver sa valeur. Le serment solennel de Tllessiel mit fin à cet entretien et à ce bref séjour en Orodreth.

Il en ressortit donc, investi d'une mission divine qui devait le transformer à jamais.

Il partit, à travers la Forêt de Galmaniel, voyageant sans crainte et s'enfonçant toujours plus dans les arbres. Il vainquit nombre de sournois bandits, nombre d'effrayantes créatures qui servent aujourd'hui à faire peur aux jeunes humains, créatures qui, dit-on, n'étaient pas nées de Galmaniel tant elles étaient monstrueuses et cruelles. Son périple fut long, mais toujours il songeait à sa mise à l'épreuve, et ne renonçait pas.

Vint un moment où il s'arrêta : il se trouvait au centre du Domaine.
Cet endroit est réputé, de nos jours, pour conserver un certain mystère autant par sa magie que par la présence étonnante d'un minuscule lac, presque une source à peine sortie du minéral, fournissant une eau aux vertus thérapeutiques légendaires.
Mais, à l'époque de Tllessiel, les elfes n'avaient pas encore inventé de mythes, ni visité les plus magnifiques recoins de leur secrète demeure. Le nêr foulait donc un territoire encore vierge et inexploré, incompris.

La Nuit s'étendait en ce lieu, et les Ombres jouaient avec les feuillages d'un vert riche et sombre. Tout n'était que chuchotements, murmures d'une eau limpide qui avançait à pas feutrés sur la mousse spongieuse. La Lune brillait doucement dans le Ciel étoilé, camouflant tour à tour chaque élément, puis les découvrant, jetant une lueur insidieuse sur une vague silhouette qu'on pouvait entr'apercevoir sans pour autant la reconnaître. Les yeux de Tllessiel fixèrent un instant la forme éthérée, mais seule sa Foi aura pu voir celle qui lui faisait face.

L'Ombre Nocturne eut un sourire imperceptible.

Le nêr suivit d'un regard extrêmement attentif les gestes de la Déesse. Elle tenait une longue épée, d'excellente facture à ce qu'il pouvait voir, à la garde finement ouvragée. Sa main agile souleva sans effort la lame et la plongea d'un geste fluide dans la Source, puis la souleva en l'air.

Le métal, qui auparavant luisait faiblement sous l'éclat de l'Astre de la Nuit, brillait désormais de feux argentés d'une clarté aveuglante et le parcourant sur toute sa longueur. La perfection de la courbure de l'épée était telle que Tllessiel aurait juré qu'elle avait été créée par les Dieux. Son fil était tranchant, témoin une branche morte que la silhouette entama en faisant virevolter l'arme, et ce malgré l'apparente fragilité qui en émanait.

Une étrange voix se fit entendre dans la clairière. Ce n'était pas la voix de l'être qui se trouvait là, mais plutôt d'une entité omniprésente qui désirait se manifester.

« Digne, tu as prouvé ta valeur. Prends cette épée ; Lamelune est tienne à présent. »

Et la Déesse disparut, sans un bruit ni un geste, les formes de son corps s'estompant rapidement dans l'obscurité qui était sienne.
Tllessiel, empli d'une dévotion révérencieuse, s'approcha prudemment de la Source, et contempla un instant l'arme qui était posée là, resplendissante dans son écrin de verdure endormie.

« Shadaliel, sois éternellement remerciée de cette attention. Sombre Veilleuse, toujours je serai tien. Que Lamelune forge le présent et le futur de mon sang ! Que Lamelune soit mon nom et le nom de ceux qui auront l'honneur d'être mes enfants, d'être les enfants de l'Ombre Nocturne ! »

Ainsi Tllessiel scella-t-il le destin de sa famille. Il s'en revint, triomphant, en sa ville de Camthalion, plus fort et assuré que tous ses contemporains, porteur de la bénédiction de Shadaliel. Il vivait à cette époque sacrée où le Premier Peuple était le seul à fouler cette Terre, où les Dieux veillaient encore jalousement sur la Vie et l'Intelligence qu'ils avaient engendrés. Il vivait, en ces temps si anciens et reculés que seul son nom a été retenu...

Lamelune.